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Une enquête de 4 ans sur les « cuisines centrales » – et un plaidoyer pour une école qui fasse sa vraie place à la cuisine, au corps, au sensible, à la Terre
L’histoire de la cuisine à l’école montre la disparition de sa part domestique – incarnée par des femmes qui la faisaient. En moins d’un demi-siècle, tout a été bousculé : des usines de pro- duction nommées « cuisines centrales » sont construites loin des écoles – désormais vidées de leurs cuisines, de leurs cuisiniers, de leur odeurs, des produits bruts, de la terre. Au nom de l’hygiène et du grammage, définition prétendument scientifique d’une ration standard, la nourriture est transformée en marchandise programmée, normée, calibrée.
Ces cuisines centrales apparaissent comme un prolongement de la révolution agricole qui fait disparaître les paysans. Elle s’inscrit aussi dans le projet politique de l’école sanctuaire, qui en appelle à évacuer ce désordre que constituerait le vivant – en civilisant le déjeuner, le rendant propre, standardisé, isolé des influences des familles, les plus inquiétantes pour le modèle étant celles d’origine migratoire des quartiers pauvres.
Face à à cette opération de désensibilisation, au sens de mise à l’écart du monde sensible, des mouvements de résistance par la cuisine associent dans des cuisines sur place la considération du milieu à celle des humains, à la fois producteurs et mangeurs. Le débat ne se résume pas à un pourcentage de bio dans les assiettes ou à un indicateur du nombre de labels dans les achats : il distingue la manière dont se noue le lien entre l’attention aux produits et l’attention aux humains.
C’est une question écologique et politique que de refaire vraiment de la cuisine à l’école, repenser les espaces, faire entrer des paysans qui livrent le fruit de leur travail, pour mener ce travail de considération des choses, de la terre et ses produits, ce travail d’attention aux producteurs paysans comme aux cuisiniers et aux mangeurs.